Les almées - Extrait 2

Le docteur Hébert impeccablement installé derrière son bureau m'invitait à prendre place sur le fauteuil club réservé à ses séances. La forme ronde et les accotoirs en profil d'obus avec le revêtement en cuir de mouton étaient la signature de ce type d'assise. Malheureusement, le beau fauteuil était lui-même atteint de sinistrose. Il avait du supporter pendant toutes ces années le poids des névr-oses, psych-oses et autres maladies auxquelles le suffixe d'état nécessitait l'intervention de notre bon docteur. Le vieux meuble ne manquait pas de nous le faire savoir dès lors que l'on prenait place, la compression des ressorts à l'extrême aspirait mon bassin vers le bas alors que mes genoux suivaient le mouvement inverse. Je me retrouvais donc en appui sur les accoudoirs, les genoux sous le menton, mon regard levé vers le docteur implorant de mon bienfaiteur une solution plus confortable. Une simple chaise aurait suffi. Mais l'impassibilité de mon soigneur ne laissait augurer aucun secours de sa part. Était-il possible que ce dernier souffre d'un complexe d'infériorité refoulé qui le pousserait à agir de la sorte. Il n'y avait pas d'issue possible, je ramenais donc mes mains sur mes genoux, provoquant ainsi un enfoncement supplémentaire qui abaissa naturellement mon regard au niveau de l'encoignure du bureau.